Bordeaux ville skate

Cela fait un moment que je connais Nicolas, on a souvent skater ensemble sur Bordeaux, il y a une dizaine d’années. Cela ne nous rajeunit pas, mais c’était vraiment de bons souvenirs. À l’époque, le skate dans la région bordelaise, c’était légèrement différent. Les infrastructures étaient quasiment inexistantes. On n’était pas tous des Bordelais, on était réparti sur toute la “cub”. On se retrouvait souvent sur les petites compet à Cestas, Canejan, Saint Jean d’Illac ou encore pour la plus grosse Pessac avec les premières vibrations Urbaines.

La ville a beaucoup changé et le skate a su profiter avec son œil bien particulier de ce nouveau terrain de jeux pour se développer. Ce qui est intéressant malgré cette évolution, c’est que certains noms restent. On les retrouve d’ailleurs dans le documentaire.

 

Nicolas a voulu avec son documentaire faire un état de l’art du skate bordelais. Nicolas, tu es un jeune réalisateur. Peux-tu te présenter pour nos lecteurs de Regulart ? Quel est ton parcours ? etc.

Salut Guillaume! Oui, ça ne nous rajeunit pas tout ça, mais il n’y a que de bons souvenirs !

J’ai donc 28 ans, je skate depuis le collège comme beaucoup, et le virus ne m’a bien sûr jamais lâché. C’est le skateboard qui m’a fait prendre une caméra pour la première fois il y a une quinzaine d’années, et c’est devenu mon métier, depuis 8 ans maintenant.

Comment l’idée t’es venu de faire un documentaire sur la scène skate de Bordeaux ?

Ça fait un moment que ça me trotte dans la tête, pendant ces 8 années à faire des films professionnellement, j’ai fait beaucoup de film d’entreprise, de captation, de reportage, de clip de musique, d’événementiel, de pub, mais au final peu de choses dans le skate, et je pensais qu’il était temps de raccrocher les wagons et de rendre au skate ce qu’il m’a donné. Je pense que, comme pour beaucoup de skaters ça a beaucoup d’impact sur tout un tas d’aspects de la vie, et donc, forcément, t’y reviens toujours…

Pour bien expliquer le contexte dans lequel le film a été produit il faut que je raconte l’histoire depuis le début. Depuis quelques temps maintenant, tous les ans, je dois réaliser et tourner un film qui doit être ensuite monté par des étudiants en BTS Audiovisuel (option montage), à l’ESMI (école où j’ai moi-même étudié à l’époque). En gros on est plusieurs intervenants à écrire/réaliser/tourner chacun un film, que les étudiants doivent ensuite monter sous notre direction pour leur examen final. C’est assez agréable car du coup, on peut faire le sujet que l’on veut, tant que le projet est validé par l’académie qui évalue d’abord s’il est approprié pour l’exercice.

Les fois précédentes j’avais fait d’autres sujets (salle de concerts, groupe de musique, artiste peintre…), et cette année je séchais un peu, j’étais sur mon canapé, j’ai vu ma board dans l’entrée, et je me suis dit que c’était peut-être le moment… J’ai donc proposé ça, ça a été validé, et voilà c’était lancé!

A la base je partais sur un simple reportage sur la scène locale, et puis deux semaines après la polémique sur le street a éclaté, du coup ça a tout de suite viré au documentaire…

 

La réalisation d’un documentaire est souvent longue. Comment as-tu réussi à le financer ? Combien étiez-vous dans la fabrication du film ?

Oui c’est sûr, ça prend du temps! Pour le financement du coup c’est assez simple, j’étais payé par l’école un forfait de 60h comme tous les autres intervenants pour faire le film (autant te dire que je l’ai déglingué, mais quand on aime…), et le reste s’est fait sans budget supplémentaire. J’ai tout écrit et tourné seul, avec mon matos. Je comptais vraiment pas les heures sur ce projet, ça me tenait vraiment à coeur.

Pour le montage, ce sont donc Edouard Houssin et Nicolas Landiech, les deux étudiants (plus pour longtemps!) de l’ESMI qui s’en sont occupés. J’en profite pour les remercier, ils ont vraiment super bien bossé, et ont vraiment saisi ce que je voulais raconter avec ce film! On croise fort les doigts pour eux, les résultats du BTS tombent début juillet, et on leur souhaite un bel avenir professionnel!

 

Dans le documentaire, tu as interviewé des figures de la scène skate qui sont là depuis longtemps. David Manaud, Léo Valls, le shop Riot. Ce sont des noms comme je le disais plus haut qui restent. Comment ont-ils reçu ce documentaire ?

Oui, j’ai eu la chance de retrouver le skate comme je l’aimais, rempli de gens animés par la passion. Que ce soit Léo Valls (skater pro), Florent Hecquard (Asso Board’O), David Manaud (photographe), Sébastien Garnaud (Riot Skateshop) ou Bruno Gruyer (Collège Notre Dame), j’ai simplement eu à leur expliquer le principe du film et mes motivations, et ils ont tous accepté instantanément.

Je les remercie encore tous pour le temps qu’ils m’ont accordé, et pour leur implication ensuite, ils m’ont vachement aidé pour relayer et diffuser tout ça. Pareil pour les skaters, Guilhem et Florian, ils se sont bien déchirés pour que je puisse avoir de bonnes images! Voir tout ce soutien et cet engouement ça fait vraiment du bien! Ils ont tous super bien reçu le film, depuis qu’il est sorti je ne reçois que des retours très positifs, je suis content que ça leur plaise, je voulais vraiment faire un truc qui nous ressemble.

 

Depuis 10 ans, les infrastructures ont beaucoup évolué et poussent comme des champignons sur Bordeaux et dans la région. Les mairies semblent vouloir faire cela avec de bonnes intentions. Malgré cela, il y a encore des conflits entre riverains, Mairie et skater. On sent une certaine tension.

Le documentaire sort en pleine discussion sur le partage de l’espace public. Donner la voix aux acteurs de la scène skate pour qu’ils puissent être entendus par le plus de monde possible, est-ce une volonté de ta part ? Tu peux nous en dire plus sur le contexte dans lequel le film est sorti ?

Oui les infrastructures évoluent et c’est vraiment très bien, on se rappelle tous les deux des parks plus ou moins douteux qu’on skatait dans le temps, mais le street, bien que ce ne soit pas la seule discipline, reste profondément gravé dans l’ADN du skate. Dire aux skaters qu’il ne faut plus sortir des skateparks, c’est comme dire à un surfeur qu’il va faire de la piscine à vagues le restant de ses jours, c’est sympa la piscine à vague, mais c’est pas possible!..

Donc, oui, c’était clairement voulu, je voulais que le film serve à faire entendre notre voix, nous on sait pourquoi on fait ça, mais ça va mieux en le disant! Il a aussi pu servir de support au collectif qui défend le skate auprès de la mairie (composé notamment de plusieurs intervenants du film, Leo Valls en première ligne) afin de faire comprendre aux non-initiés qu’on est là ni pour casser, ni pour faire du bruit, ni pour embêter les gens. On considère l’espace urbain comme un terrain de jeu de d’expression, on est prêts à faire des concessions et à trouver un terrain d’entente avec tout le monde bien entendu, mais on n’acceptera jamais que l’on nous dise que le skate et la rue, c’est fini. En 2016 il y a eu 300 amendes de 70€ pour le skate à Bordeaux, ça suffit. Je crois que le point de vue est assez clair dans le film, c’est un documentaire qui défend le skate, pas un reportage pseudo-objectif.

Du coup, le film est fini depuis mars, mais je n’avais pas le droit de diffuser tant que Edouard et Nicolas n’avaient pas passé leur examen, au début de ce mois-ci, ce sont les règles pour le BTS. Il se trouve que le 14 juin correspondait à la fin de la période d’essai avec les horaires autorisés pour le skate en ville (la mairie autorisait le mercredi et le samedi après-midi). C’était donc une bonne date pour diffuser, et j’espère que ça aidera à faire comprendre un peu aux gens ce qui nous anime, tout en faisant comprendre aussi aux plus jeunes qu’il ne faut pas faire non plus n’importe quoi, il faut faire attention aux passants, et savoir partir quand un riverain nous demande poliment si on dérange, ça doit aller dans les deux sens.

 

Je me doute que tu n’aies pas pu interviewer tout le monde. Il reste tant de choses à dire, à transmettre. On aurait voulu en voir plus. La scène skate Bordelaise et de la région à tellement d’histoires à raconter. Une version longue est-elle à l’étude ?

Oui je n’ai pas pu avoir tout le monde, sutout que 13 minutes, ça passe vite, et qu’il y a beaucoup de monde ici, le film n’a bien entendu pas pour but d’être exhaustif. Je vais voir ce que je fais de tout ça, c’est vrai que j’ai été agréablement surpris par l’engouement qu’a succité le film et il serait dommage d’en rester là, mais je ne sais pas encore ce que je vais en faire.

Ce qui est sûr c’est que celui-ci ne bougera pas, son format correspond bien au discours et au problématiques actuelles. Mais je vais essayer de suivre tout ça et de continuer à produire d’autres vidéos sur les choses qui se passeront autour du skate ici. J’ai vraiment adoré faire ce film, et je ne veux pas passer encore des années sans filmer de skate, on est d’ailleurs en train de filmer une part avec Guilhem, un des skaters du film, on va shooter un peu partout cet été. J’aimerais bien faire de la ‘pure’ vidéo de skate aussi, on verra si des occasions se présentent. Et un jour peut-être je me lancerai dans le chantier d’un documentaire ‘full length’ sur le skate, peut-être même en élargissant à la France, mais ça c’est un sacré chantier et ça demande réflexion!

 

Merci beaucoup pour ce documentaire. Il fait du bien. Il marque un joli freeze dans le temps. On s’en souviendra.

 

 

 

 

 

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